L’artiste contemporain invite à une traversée sensorielle et poétique avec Le jardin céleste, une exposition à découvrir du 2 avril au 1er mai 2025, 47 rue des Tournelles dans la Galerie Joseph à Paris.

Une nature habitée
Chez Katrin Zak, la nature ne fait pas décor : elle respire, palpite, s’élève. Avec Le jardin céleste, l’artiste née en 2002 à Moscou imagine une chorégraphie silencieuse entre les mondes visibles et ceux que l’on devine à peine. Fleurs, lignes, énergies circulantes : tout dialogue dans une tension douce entre extérieur et intériorité.
Son œuvre ne s’impose pas. Elle attend qu’on l’approche. Zak ne peint pas seulement des motifs floraux ; elle les relie à des flux, des vibrations presque physiques. L’ensemble agit comme un bain chromatique dans lequel l’œil glisse, suspendu.
Au centre de l’exposition, la série Charme Fragile du Printemps tient à la fois de l’installation, du dessin et du rituel. Des cercles de porcelaine, reliés par des fils invisibles, accueillent des fleurs peintes à la main. La structure évoque une cartographie organique, comme si l’on observait les ramifications d’un corps ou les racines d’un esprit.
Chaque fragment possède sa voix. Rien n’est figé, tout semble traversé par un souffle. Les lignes colorées rappellent des réseaux énergétiques — méridiens, vibrations, souvenirs. On pourrait presque croire que ces formes nous respirent autant que nous les regardons.
Loin d’un effet décoratif, cette composition parle de ce qui nous relie. De cette tension entre l’un et le multiple. De ce qui se tient, discrètement, entre l’individuel et l’universel.
La couleur chez Zak n’est jamais gratuite. Elle compose ses tableaux comme on formule des prières. On retrouve dans ses choix chromatiques une filiation avec l’École de Paris — cette génération d’artistes venus de Russie, du Montparnasse d’hier, qui peignaient la vie à coups de rouges incendiaires et de bleus profonds.
Mais ici, la référence devient matière vivante. Les couleurs racontent plus qu’elles n’illustrent. Un jaune traduit un élan. Un rose, une mémoire. Un vert, une tension. C’est une peinture d’instincts raffinés, d’intuition polie, où chaque nuance est porteuse d’un récit invisible.
Elle dit : « La couleur est un langage capable de parler de l’invisible. » Et l’on comprend, en regardant ses toiles, ce que cela signifie vraiment : traduire l’insaisissable. Mettre en image ce qui, habituellement, n’a pas de forme.


«PREMIER NATURE MORTE AVEC VASE JAUNE», 2023
Un parcours déjà habité
Formée aux Beaux-Arts de Moscou, Katrin Zak commence à exposer dès 2019. Elle explore d’abord les codes de la culture pop et des langages de consommation, qu’elle détourne avec une certaine ironie. Des marques, des symboles, des formes reconnaissables mais troublées : sa peinture parle déjà d’identité, de transformation, de représentation.
Aujourd’hui, ses recherches s’affinent. Elle interroge ce que signifie être au monde à travers des installations silencieuses et profondément vibrantes. Son travail s’inspire de la notion de « noosphère », ce champ de conscience évoqué par certains penseurs, où les idées et les émotions humaines influencent l’environnement.
Zak ne cherche pas à illustrer ce concept ; elle le rend tangible. Dans chaque œuvre, une forme d’équilibre s’installe, précaire mais juste. Comme si l’artiste cherchait, à sa manière, à réparer quelque chose.
Ses toiles traduisent une douceur sans mièvrerie. Une tension fluide entre la grâce et la précision. Même dans ses œuvres les plus abstraites, on sent une volonté de transmission, de don, d’ouverture. Ce n’est jamais froid, jamais distant. Plutôt une main tendue, une présence.
Le jardin céleste ne prétend pas tout changer, mais il rappelle, avec discrétion, que regarder autrement transforme notre manière d’habiter le vivant.
Présentée dans un lieu sobre et lumineux, 47 rue des Tournelles à la Galerie Joseph, cette exposition se vit comme une respiration. Il ne s’agit pas de comprendre, mais d’éprouver. Zak ne cherche pas à convaincre. Elle laisse place. Et chacun, dans cet espace suspendu, est libre d’arpenter ses propres paysages intérieurs.
On ressort de ce jardin avec l’intuition que, parfois, l’art ne sert pas à éblouir, mais à réaccorder. Entre un geste de pinceau et une pensée fugace. Entre une porcelaine peinte et un fragment de soi.


«TROISIÈME NATURE MORTE AVEC VASE JAUNE», 2023
