« PIERRE SOULAGES. LA RENCONTRE » : L’EXPOSITION-ÉVÉNEMENT

« Une toile ne doit pas être le lieu d’un récit, mais d’une expérience », disait Pierre Soulages. Et c’est précisément cette expérience que le musée Fabre nous invite à vivre depuis le 28 juin, en nous donnant l’occasion de venir découvrir ou redécouvrir la force et la singularité de cet artiste hors du commun. 

Pierre Soulages, Peinture 222 x 314 cm, 24 février 2008, 2008, acrylique sur toile, 2 éléments juxtaposés de 222 x 157 cm, Collection C. S.
© Photo Vincent Cunillère © Adagp, Paris, 2025

La naissance d’un artiste

Peintre et graveur français, Pierre Soulages est l’un des plus grands artistes de sa génération. Né en 1919 à Rodez, il a marqué l’art contemporain par son exploration créatrice permanente, à mi-chemin entre refus du conformisme et audace de l’expérimentation. Célèbres pour révéler les reflets de la lumière à travers le noir, ses œuvres ont été exposées aux quatre coins du monde, du Sénégal à la Chine en passant par le Brésil, les États-Unis ou encore l’Indonésie. En 2019, ce précurseur faisait encore l’objet d’une exposition personnelle au musée du Louvre, une consécration exceptionnelle pour un artiste vivant. Décédé en 2022 à l’âge de 102 ans, Pierre Soulages laisse derrière lui un héritage artistique majeur qu’entend bien révéler le musée Fabre à l’occasion d’une exposition-événement joliment baptisée « Pierre Soulages. La rencontre ». Clin d’œil à l’un des tableaux iconiques du musée Fabre signé Gustave Courbet, ce titre traduit la volonté à peine voilée d’évoquer, tout au fil du parcours, la rencontre de l’artiste avec l’histoire de l’art qui le précède, tout comme celle de son temps. Une épopée immersive au cœur de la création contemporaine !

Pierre Soulages X Musée Fabre, des liens étroits

« Plus que tout autre, ce musée a compté pour moi », écrit Pierre Soulages à la fin de sa vie. Il faut dire que l’histoire entre l’artiste et le musée Fabre débute quatre-vingts ans plus tôt, pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il prépare le professorat de dessin à l’école des beaux-arts de Montpellier. Visiteur fidèle de l’institution tout au long de sa vie, Pierre Soulages nourrit l’envie de contribuer à faire de ce musée une porte d’entrée vers l’art, accessible à tous. En 2005, il offre 20 œuvres à la ville de Montpellier et met 10 toiles en dépôt. Une dotation exceptionnelle que le musée Fabre entend mettre en valeur à travers son hommage au maître. Pensée comme une rétrospective, cette exposition se déploie sur près de 1 200 mètres carrés dans une approche cyclique, pour respecter l’esprit initial de la présentation que l’artiste avait conçue dans les salles qui lui sont consacrées de façon permanente. Au total, ce ne sont pas moins de 120 toiles, œuvres sur papier, cuivres, bronzes et verres en provenance des plus grandes collections publiques et privées européennes qui dialoguent avec une sélection de toiles signées Rembrandt, Van Gogh, Mondrian, Picasso, Pierrette Bloch ou encore Zao Wou-Ki. Autant de rencontres plastiques, formelles, théoriques et amicales entre Soulages et l’histoire de l’art qui viennent célébrer, de façon magistrale, le bicentenaire du musée Fabre…  

Pierre Soulages, Peinture 146 x 114 cm, 1950, 1950, huile sur toile, 145,5 x 113,5 cm, Paris, Centre
Pompidou, Mnam/Cci, achat de l’État, 1951, attribution, 1952, inv. AM 3136 P
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. Grand PalaisRmn / image Centre Pompidou, MNAM-CCI © Adagp, Paris, 2025

Tout l’univers Soulages en six chapitres 

Au travers d’un parcours en six chapitres, l’exposition s’attache à mettre en évidence les différents moments de la vie et de la carrière de Pierre Soulages. 

Plongée dans l’art pariétal et ses grottes ornées, la première section révèle l’omniprésence du monde des origines dans la démarche de l’artiste. S’inscrivant dans un contexte de tabula rasa consubstantiel de l’après-guerre, Pierre Soulages commence à cette époque à travailler des brous de noix, des goudrons ou du fer rouillé pour élaborer une matière picturale à l’aspect minéral et tellurique.

Le deuxième chapitre intitulé « Bâtir la peinture » explore l’approche tridimensionnelle de l’artiste dans ses peintures des années 1950. Refusant tout lyrisme et gestualité, Pierre Soulages pense l’occupation de l’espace de ses toiles comme une architecture et développe ses propres outils de peintre. Entre ses mains, pinceaux et racloirs d’ouvrier créent sur ses œuvres différentes couches, pour révéler toutes les profondeurs de la matière. 

Le visiteur sera ensuite invité à découvrir la période dite « cistercienne » de l’artiste, donnant à voir un ensemble de toiles des années 1970, qualifiées de « macrographies » par le critique Harold Rosenberg. Mais aussi quelques Outrenoirs récents : puisant leur inspiration dans la calligraphie chinoise, les larges écritures illisibles que l’on peut y voir renvoient à la volonté de silence plastique de Pierre Soulages. Une intention de l’ordre de l’indicible, qui échappe aux mots…

La quatrième section permet d’aborder la fascination de Pierre Soulages pour le noir-lumière. Point d’orgue de ses recherches sur la manière de faire jaillir la lumière par le noir, les Outrenoirs occupent toute la seconde moitié de la carrière du peintre. Dans ses œuvres monopigmentaires recouvertes intégralement de peinture noire, l’artiste réussit le tour de force d’offrir au regard, au gré du temps et des déplacements dans l’espace, le spectacle d’intenses effets de contraste lumineux qui semblent surgir des profondeurs de la toile. 

Envers du noir, le blanc joue également un rôle important dans l’œuvre de Soulages. La cinquième partie est d’ailleurs consacrée à la confrontation directe et radicale entre ces deux couleurs. Déjà présent sous forme de rehauts ou comme fond dans des tableaux, à partir de 1999, le blanc ressurgit dans les Outrenoirs, prenant l’apparence de lignes frêles, semblables à des déchirures, ou de papiers découpés incisifs, créant des ruptures sur la surface.

Le sixième et dernier chapitre de l’exposition est dédié à l’appréhension de l’espace dans la peinture de Soulages, aussi bien au sein des toiles que dans leur dialogue avec l’espace environnant. C’est ainsi que certaines de ses œuvres monumentales, les polyptyques, sont présentées au centre de l’espace et accrochées au moyen de câbles, selon un dispositif conçu par Soulages en 1966 lors d’une rétrospective à Houston. Le but ? Créer une véritable interaction physique et tactile entre le visiteur et le tableau. 

Finalement, « Pierre Soulages. La rencontre » est bien plus qu’une exposition : c’est une aventure multisensorielle qui nous offre une porte d’entrée dans l’art contemporain à travers le regard d’un artiste libre, qui n’a jamais cessé de créer… 

« Pierre Soulages. La rencontre »
Musée Fabre
39, boulevard Bonne-Nouvelle, Montpellier
Du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026

museefabre.fr

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