NADIA LÉGER INVESTIT LE MUSÉE MAILLOL
Le Musée Maillol consacre une rétrospective au destin créateur de Nadia Léger. Une exposition à mi-chemin entre art et histoire pour cerner cette figure féminine de l’art du XXe siècle.
ITINÉRAIRE D’UNE ARTISTE EN DEVENIR
De son village natal biélorusse à Paris, Nadia Khodossievitch-Léger (1904-1982) a traversé le XXe siècle avec un seul mot d’ordre : avant-gardisme. Issue d’un milieu paysan et habitée par la passion de l’art, cette enfant de la révolution a façonné son style au gré des enseignements et des rencontres qui ont jalonné son destin méconnu. Adepte des aventures collectives, elle accueille avec humilité et intelligence les influences des communautés artistiques qu’elle côtoie. Si bien que son art a embrassé, successivement ou en même temps, un grand nombre de genres et de courants. À Smolensk, en parallèle d’une série de portraits de femmes au fusain, Nadia réalise ses premières oeuvres abstraites au contact des professeurs Wladyslaw Strzeminski et Kasimir Malevitch. Elle poursuit sa formation en Pologne, à Varsovie, où elle fait partie des cercles regroupant cubistes, suprématistes et constructivistes. Dès son arrivée en 1925 à Paris, capitale européenne des arts, elle fréquente les artistes du quartier de Montparnasse. Les expérimentations puristes d’Amédée Ozenfant et biomorphiques de Hans Arp infusent sa création. Jusqu’à sa rencontre décisive avec Fernand Léger qui va bouleverser sa conception de l’art. Résultat ? Une oeuvre aussi prolifique qu’éclectique dans laquelle il est difficile de déceler une unité de style et d’inspiration !
CÔTOYER LES PLUS GRANDS
Avec plus de 150 oeuvres, l’exposition « Nadia Léger. Une femme d’avant-garde » entend lui assurer la place qu’elle mérite dans l’histoire de l’art moderne, en ancrant son oeuvre dans l’histoire politique, culturelle et des mentalités de son temps. Figure féminine emblématique de l’art du XXe siècle, son oeuvre a pourtant disparu de la mémoire collective. Cela tient sans doute au fait que Nadia a sans cesse évolué dans l’ombre des plus grands, au premier rang desquels son époux et mentor Fernand Léger. Élève de l’Atelier Léger à partir de 1928, elle adopte rapidement le nouveau réalisme aux couleurs pures de son maître. Il suffit de mettre en regard leurs portraits et natures mortes pour observer cette parenté stylistique. Toutefois, il serait injuste de réduire l’art de Nadia à celui d’une imitatrice. Par l’individualisation des figures aux visages expressifs et ses compositions d’objets intimes, l’artiste trace sa propre voie. Une voie qu’elle ne va cesser de réinventer au contact des artistes d’avant-garde de son époque. Amie intime de Chagall, proche de Braque, de Picasso et de Mondrian, elle n’hésite pas à confronter son art à celui de ses contemporains, notamment au sein de l’Atelier Léger. Du cubisme au suprématisme, du suprématisme au réalisme et au suprématisme à nouveau, son oeuvre picturale à l’identité plurielle est en tension constante entre abstraction et figuration. Une signature changeante au gré des étapes de sa vie créatrice…
UNE PEINTURE MILITANTE
Femme d’exception, tour à tour peintre prolifique, éditrice de revue, collaboratrice de son époux Fernand Léger, résistante, bâtisseuse de musées et fervente militante communiste, Nadia Léger a intimement lié son art aux grands combats de son siècle. Comme en témoigne son panthéon, des effigies d’hommes et de femmes politiques, artistes, écrivains ou encore cosmonautes qu’elle a réalisées entre 1944 et 1971. Ces visages reconnaissables sur fond d’aplats colorés sont autant d’icônes révélatrices des figures modèles et sources d’inspiration de l’artiste. Si certains de ces portraits ont orné les congrès du Parti communiste français, d’autres sont devenus des mosaïques monumentales ornant les lieux publics des grandes villes d’URSS. Membre du Parti communiste depuis 1932, Nadia affermit en réalité son militantisme pendant l’Occupation. Son engagement dans la Résistance en 1941 amorce la réalisation d’une série de portraits militants, à l’image des portraits monumentaux de martyrs et de figures de la victoire qu’elle exhibe à la Libération. Au sortir de la guerre, Nadia soutient par les actes et le pinceau la politique du Parti communiste. Sous l’étiquette de nouveau réalisme français, les scènes peintes par Nadia, comme sa série à la gloire des travailleurs, Constructeurs (1950-1953) et autres Mineurs (1950-1953), deviennent dès lors des relais de la pensée communiste. Dans les années 1960, la conquête spatiale qui se joue en pleine guerre froide fascine Nadia. Artiste en perpétuel bouillonnement, elle renoue avec l’abstraction des formes géométriques et le néo-suprématisme. Nul doute que si la vie lui avait alloué quelques années supplémentaires, Nadia Khodossievitch-Léger aurait encore su nous surprendre.
Photo IMAV éditions © Sabam
Photo © Collection particulière – Photographe : Pierre-Yves Dhinault/Sabam
« NADIA LÉGER. UNE FEMME D’AVANT-GARDE »
MUSÉE MAILLOL 61, RUE DE GRENELLE, PARIS 7E
DU 8 NOVEMBRE 2024 AU 23 MARS 2025
MUSEEMAILLOL.COM