Adapté du roman à succès de Jérôme Ferrari (Actes Sud, 2018), À son image marque le retour réussi de Thierry de Peretti dans sa Corse natale, sept ans après Une vie violente.
À son image met en parallèle deux récits. D’un côté, celui de l’histoire politique des mouvements indépendantistes en Corse des années 1980 aux années 2000. De l’autre, l’histoire intime d’Antonia, une jeune photographe pleine d’ambition, photoreporter pour le quotidien régional Corse-Matin. L’histoire de la Corse, Antonia en est le témoin depuis son enfance sur l’Île de Beauté. Certains de ses amis les plus proches sont engagés au Front de Libération Nationale de la Corse (FLNC) ou simples sympathisants. Pour le journal, elle couvre certains évènements, des rassemblements ou des conférences de presse spectaculaires. Mais lorsque le mouvement prend de l’ampleur, développe une branche armée, devient une organisation terroriste et multiplie les attentats, il devient un sujet national. Alors, la priorité est donnée aux médias nationaux, et la localière, pourtant au coeur des évènements, devra se contenter des fêtes de village et des kermesses. Une frustration pour Antonia qui, comme nombre de journalistes, souhaite être au coeur de l’actualité.
Pour compenser, la photographe va partir comme beaucoup d’autres en indépendante en ex-Yougoslavie, pour tenter de commenter le violent conflit qui secoue l’Europe du début des années 1990 et dont tout le monde parle. Mais elle ne ramènera aucune photo potable. À son retour, le FLNC qu’elle a connu n’est plus le même. De scission en scission, les anciens amis s’entretuent désormais, et la cause s’est perdue dans un brouillard de violence.
À son image est un film passionnant pour ce qu’il raconte du mouvement indépendantiste corse. Dans Une vie violente (2017), mais aussi dans le méconnu et formidable documentaire Lutte Jeunesse (2017), Thierry de Peretti questionnait l’idéologie de ces mouvements et la nécessité de la lutte armée. Dans À son image, c’est l’impossibilité de faire corps autour d’une même idée qui est analysée, et on peut ainsi faire le parallèle avec le destin de nombreux partis politiques et organisations. Mais au-delà de cela, À son image est un grand film sur le journalisme et la photographie. Comme Catherine Deneuve dans Je veux voir de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (2008), ou comme le héros de N’oublie pas que tu vas mourir de Xavier Beauvois (1995), Antonia veut être au coeur de l’actualité, au coeur de cette guerre qui fait les gros titres des journaux télévisés du soir. Pourtant, sur place, elle est déçue. Elle ne trouve pas ce qu’elle est venue chercher.
Dans Les Années déclic (1984), Raymond Depardon faisait le constat qu’après avoir parcouru le monde et couvert tous les conflits, son principal regret était de ne pas avoir passé plus de temps à photographier son père et sa mère dans la ferme familiale. Quand Antonia retourne en Corse, quelque chose a changé et rien ne sera plus jamais pareil. Que reste-t-il de l’identité corse et des combats qui l’ont portée ? À l’instar de Raymond Depardon, Thierry de Peretti nous invite à réfléchir avec ce film riche, aux portes d’entrées multiples, au rôle de la photographie et du photographe comme témoins de l’histoire, de la perte et de la disparition.
À SON IMAGE DE THIERRY DE PERETTI
EN SALLES LE 4 SEPTEMBRE 2024