Bugonia : le nouveau film de Yórgos Lánthimos avec Emma Stone

Sous un ciel gris perle, la caméra de Yórgos Lánthimos s’arrête sur un paysage faussement paisible. Un papillon se pose sur une fenêtre tandis qu’à l’intérieur, la tension s’épaissit comme une brume de secrets. Voici Bugonia, le dernier film du réalisateur grec, attendu avec impatience et craint à la fois. Après les fables absurdes de The Lobster et la cruauté feutrée de La Favorite, Lánthimos s’associe une nouvelle fois avec sa muse, Emma Stone, pour offrir une œuvre qui oscille entre comédie noire, thriller psychologique et réflexion existentielle. Sortie prévue le 5 novembre 2025, Bugonia est bien plus qu’un film : c’est un labyrinthe où la logique s’effrite, où le rire devient malaise et où la réalité elle-même semble vaciller.

KINDS OF KINDNESS, in select theaters June 21st, kind of everywhere June 28th.

Une intrigue aux accents surréalistes

Inspiré du film sud-coréen Save the Green Planet! (2003) de Jang Joon-hwan, Bugonia suit l’histoire de deux hommes convaincus que la PDG d’une multinationale, incarnée par Emma Stone, est une extraterrestre. Leur solution ? L’enlever pour sauver la Terre. Dit ainsi, le pitch paraît invraisemblable. Mais c’est précisément dans cette invraisemblance que réside toute la force de Lánthimos : faire de l’absurde un miroir déformant mais implacable de nos obsessions humaines.

« Ce qui m’a séduite dans ce projet, confie Emma Stone, le regard perdu dans sa tasse de thé lors de la conférence de presse à Berlin, c’est cette idée que la paranoïa collective peut devenir une vérité partagée. On croit à ce qu’on veut croire, surtout quand la réalité nous échappe. »

Pour se glisser dans la peau de son personnage, l’actrice n’a pas hésité à se raser la tête, rendant son visage plus brut, presque extraterrestre. Une transformation qui, sur grand écran, est aussi fascinante que troublante.

Une esthétique soignée au service du malaise

Lánthimos n’est jamais là où on l’attend. La photographie du film, signée Robbie Ryan, est d’une beauté glaciale. Les intérieurs aseptisés des salles de réunion contrastent avec des paysages naturels oppressants, où la verdure semble avaler les personnages.

Une scène en particulier reste gravée : celle où la PDG, captive, contemple les étoiles par une lucarne. L’éclat lointain des astres illumine son visage tandis qu’une larme discrète trace son chemin sur sa joue. Est-elle victime ou manipulatrice ? La frontière se brouille, comme souvent chez Lánthimos.

La bande-son, minimaliste mais poignante, mêle des bruissements organiques et des notes électroniques stridentes, comme pour rappeler que, sous la surface, se tapit toujours quelque chose de dissonant. Chaque silence devient pesant, chaque dialogue, un duel masqué. Les spectateurs ne sont pas de simples voyeurs : ils deviennent des complices involontaires de cette descente aux enfers.

Kinds of Kindness @yorgoslanthimos

Des personnages pris au piège de leurs certitudes

Aux côtés d’Emma Stone, Jesse Plemons incarne l’un des kidnappeurs avec une intensité dérangeante. Son regard fiévreux, oscillant entre folie et conviction sincère, donne lieu à des scènes où l’on ne sait plus s’il faut rire ou frissonner.

« Ce film joue avec nos attentes, explique Plemons. On commence par juger ces personnages, puis on se surprend à comprendre leurs peurs, leurs dérives. C’est perturbant. »

Alicia Silverstone, quant à elle, revient sur le devant de la scène dans un rôle à contre-emploi : celui d’une journaliste obsédée par les théories du complot, alimentant malgré elle le chaos ambiant.

« Yórgos pousse ses acteurs dans des zones inconfortables, raconte-t-elle. Mais c’est là que la magie opère. Il ne cherche pas des performances parfaites, il veut des failles, des hésitations. Ce qui est profondément humain. »

Kinds of Kindness » @yorgoslanthimos

Un film qui questionne plus qu’il ne répond

Au-delà de son intrigue rocambolesque, Bugonia s’interroge sur la société contemporaine : notre rapport à la vérité, l’omniprésence des réseaux sociaux, la manipulation de l’information.

« On vit dans une époque où chacun peut construire sa propre réalité, remarque Lánthimos. Ce film pousse cette logique jusqu’à l’absurde, mais sans jamais juger. Après tout, qui peut prétendre détenir la vérité absolue ? »

Et c’est peut-être là que Bugonia frappe le plus fort : dans cette zone grise où les personnages, comme les spectateurs, oscillent entre empathie et dégoût, compréhension et rejet. Certains y verront une critique cinglante de la société moderne, d’autres un simple divertissement décalé. Mais tous, sans exception, sortiront de la salle avec des questions plein la tête.

Entre rire et vertige : une expérience à part entière

Ce qui distingue Bugonia des autres œuvres du cinéaste, c’est sa capacité à mêler des registres opposés sans jamais se trahir. Une séquence de torture grotesque peut être suivie d’un moment de tendresse inattendu. Une discussion banale sur le café du matin peut déboucher sur une réflexion métaphysique vertigineuse.

Lánthimos brouille les pistes, joue avec les genres et, au final, livre un film profondément vivant, plein de contradictions assumées.

« Yórgos aime désorienter, sourit Emma Stone. Avec lui, on ne sait jamais où l’on met les pieds. C’est déroutant… mais incroyablement stimulant. »

À l’heure où le cinéma tend parfois à suivre des recettes éprouvées, Bugonia est un souffle d’air frais, étrange et enivrant. Une œuvre qui, sans jamais chercher à plaire à tout prix, parvient à captiver par sa sincérité brutale et son inventivité débridée.

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