Quels films pourraient séduire la présidente du jury du Festival de Cannes 2025 ?


Elle avance dans le cinéma comme on marche dans la nuit : avec attention, en quête de vérité. Juliette Binoche n’est pas une présidente de jury comme les autres. Ni totem, ni arbitre. Elle est l’écoute même. Sa présence à la tête du jury cannois en 2025 donne déjà une couleur à cette édition : une présidence sensible, intuitive, habitée. Une présidence à la hauteur de l’humain.
Dans une compétition qui s’annonce foisonnante, trois films très différents semblent déjà entrer en résonance avec ce que Binoche défend depuis toujours : un cinéma où l’émotion est une nécessité, jamais un artifice.
Jafar Panahi – Un simple accident
Impossible d’imaginer Binoche insensible à un film de Jafar Panahi. Elle connaît le prix du silence imposé, celui que subissent les artistes bâillonnés. Le cinéaste iranien, régulièrement assigné à résidence ou emprisonné, continue pourtant de livrer un cinéma fragile et clandestin, fait avec l’urgence de ceux qui n’ont plus rien à perdre.
Dans Un simple accident, tout commence par un fait ordinaire, presque banal. Mais chez Panahi, le réel ne tient jamais longtemps : il se fissure, s’effondre, s’ouvre sur l’abîme. Ce cinéma-là, sans effets, sans maquillage, Binoche l’a toujours défendu. On l’imagine volontiers bouleversée par cette œuvre nue, tendue comme un fil.
Joachim Trier – Valeur sentimentale
Avec Valeur sentimentale, le Norvégien Joachim Trier poursuit sa chronique de l’âme contemporaine. Après Julie (en 12 chapitres), il revient à une forme de cinéma rare : celui des frémissements. Ici, tout se joue dans les silences, les regards, les souvenirs qui affleurent.
L’histoire ? À la mort de leur mère, Nora et Agnès voient leur père Gustav réapparaître dans leur vie. Réalisateur autrefois reconnu, il voudrait que Nora, devenue comédienne, joue le rôle principal dans son prochain film, mais cette dernière refuse catégoriquement. Ce qu’on devine dans cette œuvre, c’est une sensibilité profonde – celle que Binoche, elle aussi, porte à l’écran depuis toujours. Ce film-là pourrait la toucher comme une confidence.
Julia Ducournau – Alpha
Là, le cinéma change de texture. Julia Ducournau, lauréate choc de la Palme d’or en 2021 avec Titane, revient avec Alpha, un film encore plus radical, dit-on. Thriller organique ? Fable d’anticipation ? Cauchemar corporel ? On parle de mutations, de métamorphoses, de corps repensés.
Ce n’est pas le genre de film qui plaît à tout le monde. Mais Binoche, justement, n’a jamais cherché le consensus. Elle a tourné avec Claire Denis, Bruno Dumont, Leos Carax ; elle connaît la puissance du cinéma qui dérange, qui déplace. Elle pourrait ainsi voir dans Alpha non pas un objet provocant, mais un geste de cinéma : fort, risqué, vital.
Trois cinéastes, trois gestes – et une même exigence
Panahi, Trier, Ducournau. Trois langages, trois rythmes, trois visions du monde. Mais une même idée du cinéma : celle d’un art qui ose, qui cherche, qui ne triche pas. Si Juliette Binoche devait remettre la Palme d’or à l’un d’eux, ce serait sûrement parce qu’elle y aurait reconnu cette chose rare : un film nécessaire.
Présider un jury, ce n’est pas sacrer l’esthétique du moment, ni flatter l’air du temps. C’est désigner ce qui, peut-être, dans dix ans encore, continuera de vibrer. Et Binoche, elle, n’a jamais été une actrice de l’instant. Elle choisit ce qui dure.