Enfant-actrice, star de franchise populaire et icône du cinéma d’auteur, Kristen Stewart se dessine une carrière qui ne ressemble à aucune autre. Avec Love Lies Bleeding, romance d’action à la fois ultra-référencée et très originale, elle s’offre une place de choix dans le nouveau cinéma indépendant américain.

Enfant de la balle, Kristen Stewart est née dans le centre névralgique du cinéma mondial, à Los Angeles, de parents producteurs de télévision et scénaristes. Dès ses 8 ans, elle a un agent artistique, et enchaîne les productions comme figurante puis dans un petit rôle, pour Disney Channel ou dans des adaptations de dessins animés. Mais c’est à l’âge de 12 ans, en 2002, qu’elle est découverte par le grand public : elle incarne une enfant diabétique enfermée avec sa mère (Jodie Foster) dans une pièce de sûreté pour le thriller anxiogène Panic Room de David Fincher. On la verra ensuite dans le Zathura de Jon Favreau (2005), film d’aventure fantastique inspiré de Jumanji, puis dans de très nombreux rôles secondaires. Durant la seule année 2005, alors qu’elle fête ses 15 ans, elle est à l’affiche de cinq longs métrages. On se souviendra aussi d’une apparition remarquée dans Into the Wild de Sean Penn en 2007. Mais c’est l’année suivante, celle de ses 18 ans, que la carrière de Kristen Stewart prend un nouveau tournant. Aux côtés d’un autre nouveau venu, Robert Pattinson, elle est la star de la franchise à succès Twilight, adapté des best-sellers éponymes.

On a beaucoup écrit sur les choix de carrière radicaux de Pattinson après le vortex Twilight (avec des cinéastes indés et exigeants comme David Cronenberg, James Gray et Claire Denis), afin de se montrer dans des rôles plus « adultes », et ne plus être associé uniquement à des personnages ténébreux pour franchises adolescentes. La filmographie de Kristen Stewart suit un chemin parallèle. Plus encore que son partenaire, elle a très vite affiché une image libre et un peu punk, bien loin de celle de la jolie jeune fille docile et souriante à laquelle de nombreuses actrices de son âge ont été assignées. Elle semble choisir ses rôles en opposition radicale avec la morale conservatrice de la saga adaptée des romances de Stephenie Meyer. Le quatrième épisode de Twilight n’est pas encore tourné qu’elle signe pour jouer la « Queen of rock’n’roll » Joan Jett dans le biopic The Runaways de Floria Sigismondi (2010), puis LuAnne Henderson, l’amie du « king beatnik » Jack Kerouac dans Sur La Route de Walter Salles (2012). Elle choisit ensuite des rôles plus troublants encore, parfois volontairement antipathiques, comme dans les deux films qu’elle tourne pour Olivier Assayas : Sils Maria (2014) et surtout Personal Shopper (2016), où elle interprète une assistante d’achat faisant le tour des boutiques de luxe de Paris pour le compte d’une célébrité. Plus elle avance dans la ville, plus il lui semble voir des fantômes. Ce rôle a été plus que tout autre à l’image de Kristen Stewart, qui emporte avec elle les paillettes de Hollywood au sein du cinéma d’auteur international, mais toujours avec une once de mystère, un étrange supplément d’âme au fond d’un regard franc et méfiant.

C’est ce même regard que la comédienne porte sur la bodybuildeuse Jackie (Katy O’Brian) dans l’étonnant Love Lies Bleeding de Rose Glass. Après avoir interprété des personnalités particulièrement tourmentées – Jean Seberg dans Seberg de Benedict Andrews (2019) et Lady Diana dans Spencer de Pablo Larrain (2021), Kristen Stewart retourne à un rôle plus jouissif mais néanmoins profond. Dans cet amusant thriller romantique, elle joue Lou, une jeune gérante d’une salle de sport qui appartient à son mafieux de père dans l’Amérique rurale des années 1990. Lorsque son regard flashe sur une culturiste déterminée et tout en muscles, sa vie change définitivement. Ce film étrange évoque autant des comédies noires des frères Coen que Thelma et Louise (il faut voir le look improbable, cheveux longs et calvitie, dont est affublé le personnage peu sympathique interprété par Ed Harris, qu’on imaginerait très bien sorti d’une scène coupée du Big Lebowski ou de Fargo). Kristen Stewart raconte avoir adoré le précédent long métrage de Rose Glass, Saint Maud (2019), film d’horreur britannique très artyd, et avoir ensuite demandé un rôle dans le nouveau film de cette jeune réalisatrice. Quand elle découvre le scénario de Love Lies Bleeding, il lui semble que le rôle est écrit pour elle, tant la personnalité de Lou lui ressemble. Lou est dure, un peu badass, mais aussi tendre et touchante. Quand elle aime Jackie, c’est définitif. Un rôle riche en nuances qui s’ajoute à la déjà dense filmographie de l’actrice qui, bien qu’exigeante dans ses choix, ne s’arrête jamais de tourner. On la verra ainsi très bientôt aux côtés de Michael Cera dans le road-movie Sacramento, puis en couple avec Oscar Isaac pour le nouveau thriller psychologique de Panos Cosmatos (Mandy). En attendant de la voir passer à son tour derrière la caméra pour un biopic de l’écrivaine et ex-nageuse de haut niveau Lidia Yuknavitch, The Chronology of Water, prévu pour 2025. Une corde de plus à son arc.

LOVE LIES BLEEDING DE ROSE GLASS
SORTIE EN SALLES LE 12 JUIN 2024

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