QUAND LE DOCUMENTAIRE ENTRE AUSSI EN MUSIQUE
Chaque année depuis vingt-cinq ans, le festival international Music & Cinema Marseille (MCM) – anciennement FIFA, à Aubagne – nous rappelle à quel point la musique peut être un des atouts essentiels d’un film. Même lorsqu’il s’agit d’un documentaire, comme le prouve implacablement l’impressionnant État Limite de Nicolas Peduzzi.

Les plus fondamentalistes des adeptes du cinéma direct ont longtemps prétendu que musique et documentaire ne font pas bon ménage (sauf
évidemment si le sujet du documentaire en question est la musique). Accompagnant le récit et les images, elle fausserait le réel et induirait nos émotions en erreur. Avec son troisième long métrage, État Limite, présenté en compétition au 25e festival Music & Cinema qui s’est tenu à Marseille du 1er au 6 avril dernier, Nicolas Peduzzi prouve que l’on peut être au plus près de la réalité quotidienne vécue par les patients et les personnels d’un hôpital de la région parisienne tout en assumant des choix musicaux radicaux et sonores.
Dès la première séquence – un lent travelling dans les couloirs animés de l’hôpital Beaujon –, la musique électronique angoissante et entraînante de Gaël Rakotondrabe se fait vigoureusement entendre. Avec ses bribes de piano mélancolique – héritières du passé de jazzman du compositeur –, la musique n’est pas simplement là pour accompagner les déambulations de cet infirmier tatoué et surmené que suit la caméra : elle est un autre personnage, qui nous invite à entrer dans cet univers hospitalier que Nicolas Peduzzi va nous faire découvrir avec une grande clarté et un vrai point de vue. Gaël Rakotondrabe n’en est pas à son coup d’essai. Ce pianiste virtuose, récompensé au prestigieux festival de jazz de Montreux, avait notamment signé l’envoûtante mélodie de la fameuse publicité Louis Vuitton réalisée par Terrence Malick, de même que l’opéra expérimental imaginé autour de la personnalité de Marina Abramovic et mis en scène par Bob Wilson (The Life and Death of Marina Abramović, créé en 2011), ou encore la musique, joyeuse et effrénée, des Enfants des Autres de Rebecca Zlotowski (2022).
Si Gaël Rakotondrabe n’est donc pas à un éclectisme près, sa rencontre avec Nicolas Peduzzi est en réalité très naturelle : le cinéaste, mélomane, dont le précédent film Ghost Song (2021) s’intéressait notamment à un rappeur assassiné, n’imaginait pas son film sans musique. Peu importe les conventions. La musique se joint ainsi également à de très beaux instants photographiques, façon photoreportage, en noir et blanc. Le tout donne à la fois une grande oeuvre de cinéma et un portrait terrible, passionnant et engagé d’un hôpital malade et en lutte.
ÉTAT LIMITE DE NICOLAS PEDUZZI À VOIR SUR ARTE
EN SALLES DEPUIS LE 1ER MAI 2024
FESTIVAL INTERNATIONAL MUSIC & CINEMA MARSEILLE
DU 1ER AU 6 AVRIL 2024
MUSIC-CINEMA.COM