Au terme de douze jours d’une sélection aussi variée qu’internationale, l’éclectique jury du 78e Festival de Cannes, présidé par Juliette Binoche et où se croisaient aussi bien l’acteur américain Jeremy Strong que le cinéaste sud-coréen Hong Sang-soo et l’écrivaine Leïla Slimani, a décerné ses prix. Analyse du palmarès.

Palme d’or : Un simple accident de Jafar Panahi. S’il vit aujourd’hui hors d’Iran, le cinéaste condamné par le régime des mollahs continue son cinéma de combat dans une économie de guérilla, après Ceci n’est pas un film (2011) et Taxi Téhéran (2015). Une histoire de vengeance sur fond de torture, dans un pur ton tragicomique fidèle au style de cet artiste engagé. Une Palme assurément politique pour un film que Panahi a dédié « à tous les artistes exilés d’Iran ». En salles le 10 septembre.
Grand prix : Valeur sentimentale de Joachim Trier. C’est à Cannes que l’on avait découvert le cinéma délicieusement mélancolique du norvégien Joachim Trier, à l’occasion de la présentation de son deuxième long métrage Oslo, 31 août, en 2011 dans la section Un certain regard. Pour ce sixième film, le réalisateur retrouve l’actrice Renate Reinsve, déjà couronnée du Prix d’interprétation féminine du Festival de Cannes pour sa précédente collaboration avec lui, Julie (en 12 chapitres). On la retrouve aux côtés de Stellan Skarsgard en cinéaste vieillissant et d’Elle Fanning dans le rôle d’une actrice hollywoodienne, pour un grand film tendre et bouleversant. En salles le 20 août.
Prix de la mise en scène : L’Agent secret de Kleber Mendonça Filho. Cinéaste érudit et cinéphile, le brésilien Mendonça Filho offre un nouveau film à son image, prenant pour cadre comme toujours sa ville de Recife. À l’instar du récent Je suis toujours là de Walter Salles, l’action de L’Agent secret se déroule pendant la dictature militaire, dont le cinéma brésilien fait aujourd’hui son devoir de mémoire. Un thriller politique aux grandes audaces formelles, porté par l’immense Wagner Moura (Narcos, Civil War), également récompensé du Prix d’interprétation masculine. En salles le 14 janvier 2026.
Prix d’interprétation féminine : Nadia Melliti pour La Petite Dernière de Hafsia Herzi. C’est avec son premier rôle au cinéma que Nadia Melliti, 23 ans, obtient la prestigieuse récompense. Dans le troisième film de l’actrice et réalisatrice Hafsia Herzi, marquée par l’influence de son maître Abdellatif Kechiche, la comédienne incarne avec rudesse et fragilité une jeune femme divisée entre son identité homosexuelle et sa foi musulmane. En salles le 1er octobre.
Résurrection – Films du Losange
Prix du scénario : Jeunes mères de Jean-Pierre et Luc Dardenne. Après un Prix spécial pour Tori et Lokita (2022), un Prix de la mise en scène pour Le Jeune Ahmed (2019), un Grand prix pour Le Gamin au vélo (2011), un Prix du scénario pour Le Silence de Lorna (2008) et même deux Palmes d’or (pour L’Enfant en 2015 et Rosetta en 1999), les frères belges, qui ne repartent presque jamais de Cannes bredouilles, obtiennent un nouveau Prix du scénario. Une récompense saluant une fiction encore une fois au plus proche du réel, mais cette fois-ci étonnamment optimiste, suivant cinq jeunes femmes dans un centre pour jeunes mères. Actuellement en salles.
Prix du jury ex æquo : Sirat d’Oliver Laxe et Sound of Falling de Mascha Schilinski. Deux Prix du jury pour deux films qui ont divisé les spectateurs cannois pour leur mise en scène radicale. Le premier emmène un père à la recherche de sa fille disparue lors d’une rave party dans le désert marocain. Un road « trip » dans tous les sens du terme sur fond de musique électronique hallucinée. Le second raconte la vie de plusieurs familles d’habitants d’un corps de ferme est-allemand à diverses époques, parcourant les souvenirs comme des fantômes, avec en creux le mystère de la transmission transgénérationnelle des traumatismes. Sortie en salles le 3 septembre (Sirat) et prochainement (Sound of Falling).
Prix spécial : Résurrection de Bi Gan. Quoi de mieux qu’un Prix spécial pour récompenser un film aussi particulier que Résurrection ? Impossible de résumer le voyage onirique que propose le nouveau film de Bi Gan. Il faut se laisser porter dans cet intense hommage au cinéma, des Frères Lumière à la science-fiction. Pendant longtemps, le suspense a duré quant à la participation de ce troisième film du jeune génie chinois à Cannes. On l’a dit trop long dans la première version visionnée par le comité de sélection, puis en attente d’un visa d’exploitation du gouvernement chinois. Finalement, c’est une copie à peine terminée qui a été présentée aux festivaliers. Une expérience unique, comme le fut celle de Mektoub, My Love: Intermezzo en 2019, jamais sorti en salles ? Ou une œuvre admirable par tous à l’identique lors de sa sortie, pour l’heure non datée ? Réponse dans un futur que l’on espère proche. Sortie en salles prochainement.
Et aussi : Caméra d’or pour The President’s Cake de Hasan Hadi. Décernée par un jury indépendant (présidé cette année par la réalisatrice Alice Rohrwacher), la Caméra d’or récompense chaque année le meilleur premier film de toutes les sélections confondues du Festival de Cannes. Cette année, c’est un long métrage de la Quinzaine des Cinéastes qui est à l’honneur. The President’s Cake raconte l’odyssée à hauteur d’enfant de deux gamins partis chercher des ingrédients pour faire un gâteau en l’honneur de l’anniversaire du président Saddam Hussein dans un Irak rationné, aux derniers jours de la guerre qui verra la chute du régime. Un film aussi tendre que puissant et parfois dur, porté par de très belles images et une mise en scène d’une grande maîtrise au service d’un récit haletant. Sortie en salles prochainement.