L’architecture d’intérieur et le design se donnent comme chaque année rendez-vous à la fin du mois de juin à Toulon et à Hyères lors de la Design Parade, organisée par la villa Noailles. Zoom.
Le festival, fondé et dirigé par Jean-Pierre Blanc et présidé par Pascale Mussard, est parvenu en un peu moins de deux décennies à devenir un
parfait tremplin pour la nouvelle génération et à s’imposer comme le porteétendard de la nouvelle création contemporaine. Design Parade Hyères a vu le jour en 2006, avec l’ambition de mettre en lumière les talents émergents dans le domaine du design par l’intermédiaire d’un concours qui invite le public et les professionnels à se réunir. Sont organisés autour de ce grand rendez-vous du design des expositions, des défilés de mode, des conférences et des ateliers qui font la part belle aux nouvelles tendances.
Design Parade Toulon, inauguré en 2016, poursuit dans cette même veine en investissant le terrain de l’architecture d’intérieur. Les deux manifestations, organisées par la Villa Noailles, chef-d’oeuvre de Robert Mallet-Stevens, offrent ainsi chaque année, le temps d’un week-end, de découvrir un large panel des arts décoratifs.
DESIGN PARADE TOULON
Au coeur de l’Ancien Évêché de Toulon, bâtiment chargé d’histoire, cette huitième itération continue d’offrir des récits toujours plus immersifs et poétiques. Elle a été présidée par Marion Mailaender. La créatrice marseillaise et fondatrice de sa propre agence d’architecture intérieure et de design conçoit des objets, des scénographies et des projets résidentiels, hôteliers et commerciaux. Cette année, le Grand Prix, remis par Van Cleef & Arpels, a été décerné à Willie Morlon. Le projet Placo Studiolo est une salle de palais rêvé méditerranéen, conçue non pas avec des matériaux précieux, mais uniquement du placo, du polystyrène d’isolation et des sangles de chantier. Ce diplômé de l’Académie Royale des Beauxarts de Bruxelles offre ici deux niveaux de lecture entre le « purement décoratif, incitant à contempler la minutie du travail » et « l’approche critique sur la relation entre un matériau et son emploi, ainsi que son mode de production ».
Le Prix Visual Merchandising, remis par Chanel et le 19M, a été attribué au designer-scénographe Romain Joly et à la plasticienne Lisa Bravi. Le premier est diplômé de l’École supérieure d’art et design de SaintÉtienne ; la seconde, de La Cambre, à Bruxelles. Avec le projet Mistralou, le duo de créateurs nous plonge dans l’intimité d’une salle de lecture au coeur d’une villa provençale où s’immisce le mistral, ce vent puissant et caractéristique de la région, qui balaie et fait danser le mobilier, façonné à partir de boutons et de textiles.
Le Prix Mobilier National et la dotation de la Fondation Carmignac ont récompensé Anaïs Fernon pour son âtre d’eau. Cette diplômée de l’École Boulle et de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles appelle à se rafraîchir dans un petit espace près d’une fenêtre où le soleil et la brise s’invitent. Son projet À la fraîcheur de la situation réinvente le rideau de perles provençal avec deux matières qui se succèdent : une moustiquaire pare-feu, parée de pampilles d’aluminium miroir, et un rideau formé de cordons de lin et de barrettes de terre cuite, gorgé d’eau par goutte-à-goutte. Le Prix du Public a sacré Clément Rouvier pour On Air. Ce diplômé de l’école Camondo crée un paradis musical. Plus exactement, un « havre tissé de notes inspirées par les Rolling Stones à la Villa Nellcote à Villefranche-sur-Mer », lieu mythique où le groupe a créé le double album Exile On Main Street. Ce studio-sanctuaire se métamorphose ici avec les aspérités méditerranéennes où les instruments, nés de matières premières issues du littoral, attendent qu’on les fasse résonner. Guitares fossilisées, lithophone en bambou et cymbales captant la lumière, entourés de fragments de briques, réenchantent les mélodies dans une partition visuelle qui transcende le temps, entre passé et présent.
Parmi les autres finalistes, on retient également Le Banquet Solaire en bord de mer des architectes bruxelloises Juliette Simeone et Amélie Dandoy. Ce décor ardent, séparé par un rideau aux allures de feu, sonde les interactions entre la chaleur, les matériaux locaux et les formes architecturales méditerranéennes. Cette jolie table, brûlée par les rayons du soleil, puise dans les expérimentations solaires de Félix Trombe des années 1970. Ici, le sable devient noir, les couverts fondent et la Méditerranée se transforme en une mer d’argent, de flammes et de cendres.
TOUTES LES INSTALLATIONS SONT EXPOSÉES DANS L’ANCIEN ÉVÊCHÉ DE TOULON JUSQU’À L’AUTOMNE 2024.
DESIGN PARADE HYÈRES
Ce dix-huitième opus a été présidé par Fabien Cappello, fondateur de son propre studio de design, basé à Guadalajara, au Mexique, et d’une marque d’articles ménagers. Dans sa pratique, le designer français utilise des éléments de la culture vernaculaire, des matériaux et des techniques souvent négligés ou peu considérés. Comme toujours, le jury était formé d’architectes, de commissaires d’exposition, de directeurs artistiques, de rédacteurs en chef, de journalistes spécialisés en design et du lauréat du Grand Prix de l’édition précédente.
Cette année, la récompense suprême a été décernée au projet Décor par le sable de Sacha Parent et Valentine Tiraboschi. Ce duo de créatrices « mêle les savoir-faire du staff, de la porcelaine et de la fonderie à un processus de génération de forme par écoulement de sable ». Les pièces présentées sont ainsi des ornements de sable transposés dans des objets aux matières nobles, comme des bougeoirs, des plats, des miroirs, des chapiteaux. Cette collection veut replacer la nature au centre de la production d’artefacts qui nous entourent.
Le Prix Tectona, marque de mobilier de jardin et partenaire de l’événement depuis deux ans, a été remis au Franco-Suisse Gabriel Hafner, diplômé de l’ECAL. Sa table d’extérieur est conçue avec « une ossature en bois robuste et une nappe tissée en bois et textile qui rappelle les nattes de plage de notre enfance ». L’objectif des candidats était de réaliser ici un prototype outdoor à l’échelle 1/5 sur le thème « un repas estival » avec pour contrainte technique l’utilisation de métal ou d’un matériau naturel imputrescible.
Le Prix du Public a été attribué à Juliette Rougier pour son projet Alto. Cette jeune diplômée de l’École des Beaux-Arts de Marseille s’intéresse au design d’objet, à la croisée de l’industriel, de l’art et de l’artisanat. Elle utilise ici la canne de Provence, une plante herbacée qui sert à créer des anches pour instruments à vent. Sa démarche est de récupérer toutes celles brûlées et mises au rebut, qu’elle réintègre ensuite dans un nouveau processus créatif qui réinvente la marqueterie.
TOUS LES PROJETS SONT EXPOSÉS À LA VILLA NOAILLES JUSQU’AU 1ER SEPTEMBRE 2024.
VILLANOAILLES.COM