Véritable végétalisation de l’imaginaire, le Festival International des Jardins à Chaumont-sur-Loire, château de rêveries, revient du 19 avril au 2 novembre 2025 avec une édition qui cultive le merveilleux. Sur le thème « Il était une fois au jardin », 25 créations font figure de fables végétales, entre folklore et écologie critique.
Chaque printemps, Chaumont-sur-Loire abandonne ses atours endormis pour redevenir une scène fertile, un théâtre de chlorophylle où le conte prend racine. On n’y vient plus seulement contempler, mais écouter, humer, cheminer dans des narrations d’ombre et de lumière, de mousse et de métal, où l’absurde côtoie l’émotion pure. Pour cette édition 2025, 10 jardins se détachent du chœur, comme autant de chapitres d’un roman que la terre aurait décidé d’écrire elle-même.
Fantastico Pinocchio (Italie) – Une morale en compost
La fable de Collodi s’y déploie en spirale : corde rouge d’ipomées, théâtre de bois, reflets de conscience. Le jardin conçu par Priola et Filosa fait de chaque visiteur un marionnettiste. Bois récupéré, poteaux de vigne vénitiens, tout y a une seconde vie. Et si mentir faisait s’allonger les tiges ?
Rhapsodie Himalayenne (Inde) – Altitude mentale
Le studio unTAG Architecture & Interiors pose un Annapurna miniature au bord de la Loire : terrasses de galets blancs, rhododendrons brumisés, schiste ardoisier et cors tibétains brouillent la frontière entre la montagne et le mythe. Tout y vibre d’un souffle lointain, presque sacré.
L’île de la Félicité (France) – Utopie flottante
Les concepteurs ont imaginé des radeaux botaniques, libres de leurs racines, qui voguent entre rêve et réalité. Camélias, glycines naines et eucalyptus inventent un archipel en apesanteur. Ici, le jardin devient promesse d’ailleurs.
Flora et Zéphyr (Belgique) – Rose et vent
Deux éoliennes travesties en colonnes d’osier lancent un ballet de pollens, guidé par la météo. Sous LED programmées, les roses se racontent à la vitesse du vent. Un jardin techno-poétique, économe et sensuel.
Le jardin secret de l’Argoat (Bretagne) – Landes intimes
Ogham gravé au laser, menhirs acoustiques, cris de courlis… ce bout de Bretagne miniaturisée évoque plus une légende qu’un territoire. Pins nains, bruyères et kersantite composent une partition granitique où les racines murmurent en breton.
100 ans de sommeil (Québec) – Lit de mousse pour climat anxieux
Sous des tubes de lin, un lit de sphaigne, des germes endormis et une dormance programmée. Ce jardin parle d’attente, de patience, de résilience. À l’heure des crises climatiques, c’est une Belle au bois dormant qui germera, lentement, pour la Toussaint.
Les contes de l’Alhambra (Espagne) – Geometría encantada
Azulejos imprimés en 3D, cyprès rectilignes, ombres de moucharabieh : nous sommes en présence d’un hommage moderne à l’élégance andalouse. Entre travertin et parfum de jasmin, Washington Irving veille, discret, au coin des bassins.
L’Épopée du Haricot Magique (Pays-Bas) – Compost, ciel et urines
Un haricot géant grimpe sur un lombricomposteur vertical nourri à l’urine recyclée. On y grimpe par un escalier hélicoïdal, jusqu’à un nuage d’algues brumisé, dans une ambiance de féerie brute.
Barochories (Portugal) – Rafales semeuses
Des capsules parachutes suspendues à des câbles en inox dispersent akènes et savoirs sur la dispersion barochore. Allusion subtile aux montados portugais, le jardin vole avec le vent, enseigne à chaque bourrasque.
Le Jardin des Reflets (Suisse) – Ciel inversé
Des miroirs d’eau noirs reflètent narcisses et hêtraies miniatures. Grâce à un anneau de plexiglas, le ciel devient sol. Un dispositif d’apparence simple, mais d’une poésie renversante. L’eau y circule en boucle, filtrée par des carex, captée sur les toits du château. Ici, chaque goutte compte.
Jardins d’histoires, histoires de territoires… Ce que le festival propose n’est ni folklore ni folklore-bashing. C’est une relecture. Les traditions, les contes, les mythes sont ici réenracinés dans leur contrée. Chaque jardin est un fragment de terroir réinventé : Bretagne gravée au laser, Andalousie imprimée ou Himalaya revisité. Le végétal n’est pas accessoire, mais protagoniste. À Chaumont-sur-Loire, le jardin devient texte, et chaque visiteur, lecteur émerveillé.