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Expositions : Youcef Korichi

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PLONGÉE ET CONTRE-PLONGÉE DANS LA PEINTURE

D’aspect photoréaliste, la peinture de Youcef Korichi ne laisse de fasciner, tant par sa virtuosité que par l’étrange banalité apparente de ses sujets.

Déclinaisons de Grilles (2017), Ciel, Sol caillouteux ou frondaisons (2018), Pieds ou draps froissés, benne à gravats et trottoir défoncé, Écorces et ronds dans l’eau… Nous voici face à des morceaux de réel qui sont autant de morceaux de bravoure tant le rendu en trompe-l’œil fait illusion. 

Mais ne nous y trompons pas : pour l’artiste, « Le vrai sujet reste la peinture. » Celle qui se donne à voir, et qui nous donne à voir ce que, sans elle, on ne verrait sans doute pas…

On ne pourra s’empêcher, cependant, de discerner dans ses séries de Grilles, ses buissons hérissés d’épines (Griffes, 2018) et autres barrières occupant tout l’espace de la toile, de « tragiques icônes contemporaines » 1. De même que ses fantastiques drapés (Nature morte, 2011 ; Odalisque, 2014 et Être dedans, 2015) apparaissent comme des icônes de la solitude. Tandis que les œuvres de sa dernière série inspirées du Pantin (El Pelele) peint en 1791 par Francisco de Goya évoquent immanquablement la chute tragique de l’homme. Tragédie de l’être humain rêvant d’un au-delà et condamné à vivre ici-bas, assujetti à la pesanteur ? Damné ou Icare moderne, le pantin de Korichi est vêtu d’un costume. Corps dégingandé sans visage, ce pourrait être nous… Isolé et chutant sous un ciel chargé de nuages, loin de la figure carnavalesque chahutée par les femmes dans la scène champêtre de Goya, il peut aussi nous faire penser à la silhouette sautant du haut d’un immeuble d’une sombre sérigraphie intitulée Suicide réalisée à l’encre noire par Andy Warhol en 1963 ou à celle du Saut dans le vide réalisé en 1960 par Yves Klein.

De la chute

Ombres et saillies des plis, bourrelets, froissures, traces d’usure… : de la luisance à la matité du tissu du costume, par endroit lustré, et du cuir des chaussures – dont sont rendues jusqu’aux salissures des semelles peintes dans un magistral et vertigineux contrapposto –, la maniera de Youcef Korichi force l’admiration. Utilisant la technique ancienne de la mise au carreau pour reproduire, en les agrandissant, les moindres détails de ses « documents » photographiques, le peintre travaille de deux à cinq mois sur ses toiles souvent monumentales… L’on comprend ainsi que l’on puisse se faire prendre par la minutie et l’exactitude du rendu. Cherchant à rendre la tactilité des matières, « la sensation du toucher par la peinture et par l’œil », et à « mélanger plusieurs manières de peindre dans un même tableau » 2, Korichi témoigne à nouveau dans sa dernière série, à la frontière du tragique et du grotesque, de sa dextérité à travers l’amplitude de son geste allant de l’ultra-précision au relâchement en passant par les empâtements. Ainsi de l’aspect très aérien des nuages contrastant avec la densité des plis des vêtements du fantoche lancé dans les airs pour finalement s’écraser au sol. 

STEPHANIE DULOUT

1 – Baptiste Brun / cnap.fr/youcef-korichi-de-front

2 – Citation issue d’un entretien réalisé avec le peintre le 14 février 2024

Né en 1974 à Constantine en Algérie, Youcef Korichi, diplômé de l’ENSBA en 1999, a été formé dans l’atelier de Jean-Michel Alberola, avant de suivre un cursus d’histoire de l’art à l’université. Il vit et travaille à Paris. 

« Youcef Korichi – Le Bleu du ciel »

Galerie Suzanne Tarasiève

7, rue Pastourelle, Paris 3e 

Du 16 mars au 27 avril 2024

suzanne-tarasieve.com

« Youcef Korichi »

Cloître Saint-Louis, Avignon

Du 5 au 27 mars 2024

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