Le musée Guggenheim à Bilbao présente une série d’installations de Refik Anadol intitulée « in situ », qui repousse les limites des pratiques contemporaines à travers le travail de plusieurs artistes. Frank Gehry, architecte de l’institution espagnole, inaugure cette exposition inédite.
En près de vingt ans, Refik Anadol est devenu l’un des pionniers de l’architecture post-digitale et de l’intelligence artificielle (IA) dans l’art public. Ce natif d’Istanbul, installé à Los Angeles, crée des expériences multisensorielles. Ses œuvres se placent ainsi à la confluence de l’art, de la science, de la technologie et de l’architecture. Dans son processus créatif, il sonde « les mémoires collectives, les relations entre l’humanité et la nature, les perceptions de l’espace et du temps et les collaborations homme-machine ». Son déclic ? Il l’a eu en regardant enfant Blade Runner (1982) de Ridley Scott.
Depuis lors, ce fondateur de Refik Anadol Studio et de Dataland, premier musée d’art IA qui ouvrira ses portes dans la Cité des Anges courant 2025, transforme la data en environnements 3D et en installations protéiformes, mouvantes et abstraites. Il a notamment créé des sculptures visuelles pour Art Basel, le Centre Pompidou, le MoMA et la Biennale de Venise, basées sur des données issues de millions d’images. Ses collaborations vont de Google à NVIDIA et la NASA en passant par l’UCLA, Harvard et Stanford.

Frank Gehry à l’honneur
Cette année, le musée Guggenheim à Bilbao inaugure le concept d’expositions « in situ ». Celui-ci a pour vocation de parcourir les nouvelles façons de percevoir et d’habiter l’espace, convoquant le travail de certains artistes des arts visuels, de la technologie, de la musique et de la performance. « Architecture vivante : Gehry » (« Living Architecture: Gehry ») ouvre le bal.
Cette installation réimagine l’héritage architectural de Frank Gehry au prisme de l’intelligence artificielle et de l’art génératif. Le studio de Refik Anadol a développé une technologie de pointe : Large Architecture Model (LAM). Ce modèle forme une vaste archive d’images, de croquis et de plans en libre accès, qui transforme le langage ingénieux de Frank Gehry en paysages de formes, de couleurs et de mouvements dynamiques.
Ce spectacle visuel s’accompagne d’une partition et d’une ambiance sonore immersive, conçue par Kerim Karaoglu. Le compositeur basé à Berlin mêle ici l’audio généré par l’IA à des enregistrements matériels capturés au sein du musée.
Six chapitres interconnectés
« Architecture vivante » explore ainsi le travail de ce grand nom du déconstructivisme et du post-structuralisme qui a bâti le musée Guggenheim de Bilbao. On lui doit également la Maison dansante à Prague, le Vitra Design Museum en Allemagne ou encore la Cinémathèque française et la Fondation Louis Vuitton à Paris. Refik Anadol choisit d’examiner en six étapes distinctes l’évolution des données vers l’imagination architecturale.
Le premier segment, « Univers de données », est un espace mémoire qui compile les matériaux et les données (photographies d’archives, plans et documents structurels). Le second, « Tracé des données », met en avant les motifs complexes qui émergent du traitement de ces données grâce aux formes, aux textures et la composition spatiale. « Tunnel de données » les transforme ensuite en environnements visuels dans l’espace muséal, invitant les visiteurs à s’engager dans le processus évolutif de la collaboration homme-machine.
De son côté, « Grand modèle d’architecture » montre les nouvelles possibilités structurales, générées par l’IA, renouvelant les formes typiques de Frank Gehry. « Hallucination de la machine » s’ouvre à l’abstraction. Ces mêmes structures se libèrent des contraintes spatiales conventionnelles, offrant des visions hallucinatoires et oniriques. Quant à « Rêves », ce dernier chapitre se balade librement dans le monde de l’architecture, où l’IA modifie en temps réel et sans discontinuer de nouvelles formes.
Toutes ces données sont issues de sources éthiques et alimentées par des pratiques informatiques durables. Refik Anadol veut également démontrer que l’innovation et la responsabilité vont de pair. Avec cette première exposition audiovisuelle, il continue ainsi d’étudier le potentiel infini des mondes physique et numérique.
« in situ : Refik Anadol »
Guggenheim Bilbao
Abandoibarra Etorb., 2, Abando, Bilbao (Espagne)
Jusqu’au 19 octobre 2025