Biopic sur une actrice surtout connue pour son destin tragique, Maria de Jessica Palud redonne une voix à Maria Schneider, treize ans après sa disparition. Une voix qui résonne aujourd’hui plus que jamais.
Maria Schneider a été un fantôme du cinéma. Sa carrière, qui débute dès ses 16 ans en 1969 (de la figuration dans des films de Jean Aurel ou Terence Young) et s’arrête à sa mort tragique des suites d’un cancer avant ses 60 ans en 2009, est marquée par quelques grands films (Profession : reporter, d’Antonioni) et beaucoup d’oeuvres oubliées et oubliables. La faute à une entaille profonde qui brise son destin alors qu’elle n’a que 19 ans : le tournage du Dernier Tango à Paris et le viol dont elle a été victime lors d’une scène, et dont sont coupables Marlon Brando, son partenaire à l’écran, le réalisateur Bernardo Bertolucci, qui a dirigé la scène, mais aussi l’ensemble de l’équipe, qui assistait médusée à ce crime et cette humiliation sans réagir, certains membres persuadés que se manifestait là le génie moderne et sans limite d’un cinéaste.
On y découvre une très jeune Maria Schneider, fille illégitime de l’acteur Daniel Gélin (interprété par Yvan Attal), que sa mère refuse qu’elle voie. Elle a peur de ce qu’il représente, du monde du cinéma, qu’elle sait si violent pour les jeunes femmes. Mais Maria s’entête : elle rêve de cinéma, et ce père est un acteur célèbre. Il lui ouvre des portes, et elle les franchit grâce à lui, mais aussi parce qu’elle le veut vraiment. Elle rencontre un agent. Et puis, obtient ses premiers rôles. Jusqu’à sa rencontre avec Bertolucci, qu’elle voit comme un authentique artiste, et son film Le Dernier Tango à Paris, qu’elle considère comme une opportunité exceptionnelle. Elle rencontre Brando (que Matt Dillon interprète brillamment) et semble bien s’entendre avec lui. Et arrive la fameuse scène, le choc, la descente aux enfers.
Malgré les difficultés, Maria Schneider n’a jamais voulu accepter ni oublié ce qui lui était arrivé. Jessica Palud raconte tout cela de manière simple et incisive, pour enfin faire entendre la voix de celle qu’on a longtemps préféré ne pas écouter.
C’est surtout par ses interviews, dans le film féministe de Delphine Seyrig Sois belle et tais-toi ! (1981) et ailleurs – dont beaucoup ont resurgi à la faveur du mouvement #MeToo – qu’on connaît aujourd’hui Maria Schneider. L’une d’elles a fait l’objet d’une passionnante réinterprétation par trois actrices dans Maria Schneider, 1983 d’Elisabeth Subrin, César du meilleur court métrage documentaire 2023. Car la voix de Maria Schneider, qui n’a jamais cessé de témoigner, même lorsque personne n’était là pour l’écouter, résonne particulièrement aujourd’hui. Il y a eu le livre de sa cousine, la journaliste Vanessa Schneider, Tu t’appelais Maria Schneider, paru en 2018 aux Éditions Grasset. Ce récit revient sur sa vie, sur Le Dernier Tango, sur ses problèmes de drogue et son destin tragique. La réalisatrice Jessica Palud l’adapte dans un très fidèle biopic avec Anamaria Vartolomei (L’Événement) dans le rôle-titre : Maria.
MARIA DE JESSICA PALUD
SORTIE EN SALLES LE 19 JUIN 2024