LA PUISSANCE DE RÉSONANCE DU PORTRAIT
L’œuvre du duo de photographes berlinois est d’une simplicité trompeuse. Elle fascine tout autant qu’elle interroge le regard entre passé et présent.
Les photographes Anke Linz et Andreas Oettinger sont connus pour travailler ensemble sous le pseudonyme de Billy & Hells. Depuis les années 1980, ils réalisent des portraits mystérieux, intemporels et parfois évanescents, qui prennent un double sens dans la dualité des modèles photographiés. Inspirés par les œuvres d’Irving Penn et d’Helmut Newton, ils se sont lancés dans la photographie de mode et de portrait. L’histoire raconte qu’ils ont découvert leur procédé photographique par le biais d’un accident typique de laboratoire : en oubliant de retirer un négatif de l’obturateur, produisant par inadvertance une image avec des couleurs à la fois intenses et nuancées. Depuis lors, ils façonnent et affinent ce style avant-gardiste si caractéristique de leur travail, mêlant profondeur et pointe d’ironie.
Un monde d’entre-deux
Les travaux de Billy & Hells allient ainsi avec dextérité des toiles de fond peintes à un choix méticuleux de couleurs, de tissus et de vêtements, afin de créer des atmosphères toujours très singulières. Si le procédé reste le même, les images de leurs différentes séries se distinguent les unes des autres, grâce aussi à la complexité sous-jacente des modèles. En 2007, ils reçoivent le Taylor Wessing Photo Portrait Prize de la National Portrait Gallery de Londres, un moment important pour leur percée internationale. La série Blue Moon (2009) sublime les effets picturaux, quand The Astronaut’s Wife (2015) illustre différents portraits de femmes, mais aussi des événements, des faits remarquables ou des états émotionnels sous forme d’une chronique rétrospective.
Temps confondu
Ces virtuoses se saisissent volontairement de personnages archétypaux (marins, mères, soldats, cowboys, infirmières, enseignants) pour les extraire de leur cadre de référence afin de les replacer dans un nouveau contexte. À travers les vêtements et la mode, ils expriment ainsi la fascination de la société pour les idéaux esthétiques. Aucun détail n’est laissé au hasard. Leurs clichés mêlent l’histoire de l’art et la photographie de portrait classique. C’est aussi pour cette puissance de résonance qu’ils ont été choisis pour réaliser la une du Time en 2017 consacrée au choix de la « personnalité de l’année », qui s’est avérée plurielle, accompagnant un grand dossier dédié aux « Silence Breakers » qui ont fait exploser le mouvement #MeToo. Entre passé et présent, réalité et fantaisie, leur portfolio se fait ainsi récit photographique, journal nostalgique et œuvre d’art totale.
