
La neuvième édition de la foire dédiée exclusivement à l’art photographique, du 11 au 16 juin, continue d’apporter une nouvelle dimension à Art Basel, portant cette année une attention particulière aux oeuvres d’artistes africains.

Depuis 2015, Photo Basel ajoute sa pierre à l’édifice dans le rayonnement artistique helvétique, opérant sous les auspices d’Art Basel. Aujourd’hui, le salon, cofondé et dirigé par Sven Eisenhut, se revendique comme la première et seule foire d’art internationale consacrée à l’art photographique dans ce haut lieu de l’art et du design. Cette année, 41 galeries internationales, issues de 15 pays, sont réunies dans le complexe du Volkshaus Basel, sis à proximité du parc des expositions qui accueille Art Basel. Ce monument emblématique, récemment rénové par les architectes suisses Herzog & de Meuron, fait ainsi la part belle à plus de 450 oeuvres d’art photographiques de 150 artistes. Un événement déjà d’envergure qui vise à rendre le médium plus accessible à tous.
L’IMAGE SOUS TOUTES SES FORMES
Au cours de cette neuvième itération, Photo Basel trace son sillon dans un foisonnement d’approches qui révèle une liste riche de photographes et de sections, entre nouveauté et renouvellement. À commencer par « Novum », qui présente des oeuvres inédites, c’est-à-dire créées spécialement pour la foire ou (re)découvertes récemment. Elles sont donc exposées pour la première fois, en exclusivité, au public et aux collectionneurs. De son côté, le Prix Maurice de Mauriac revient pour la 2e année consécutive. La marque d’horlogerie zurichoise, sponsor de l’événement et passionnée de photographie, acquiert l’oeuvre du récipiendaire et s’en inspire pour imaginer une future collection. Cette année, l’Américaine Hayley Eichenbaum, le Nigérian Morgan Otagburuagu, l’Ukrainienne Ksenia Malafeeva, l’Allemand Christoph Stepan et la Slovène Tereza Kozinc sont les finalistes présélectionnés. Cette première énumération ouvre le champ à une floraison d’autres noms, illustrant ainsi les dernières tendances de la photographie contemporaine. On cite entre autres le Danois Søren Solkær, qui saisit les grands murmures des étourneaux, le Croate Deni Horvatić, pour un autre regard sur le portrait, et l’Allemand Thomas Hoepker, qui capte l’esprit complexe de New York. Mais aussi les magnifiques travaux de Daniel et Geo Fuchs, Justin Dingwall, Ara Ko, Ellen Kooi, Rala Choi, Lara Micheli ou encore Lotte Ekkel.
AU-DELÀ DE LA PHOTOGRAPHIE
Dans les sections renouvelées, « Beyond Photography » fait aussi son retour pour la 2e fois. Elle met en exergue les potentialités de ce moyen d’expression grâce à l’utilisation de procédés mixtes, de techniques d’impression spéciales, et au passage du bidimensionnel au tridimensionnel. L’oeuvre de l’Allemand Stefan F. Konrad, dont les personnages sont plongés dans des univers métaphysiques, anthropologiques et politiques, en est un bon exemple. Il utilise les ressources de la technique des Schadographs expérimentaux et d’influence surréaliste de Christian Schad pour transformer en images ses découpes à la gouache. Ses figures découpées dans des feuilles de papier créent des formes simples et réduites qui traduisent des situations humaines. À l’image de celles d’Henri Matisse, ses photogrammes chevauchent ainsi la frontière entre abstraction et représentation et donnent lieu à un jeu dynamique d’ombre et de lumière. De son côté, le travail du Français Émir Shiro, qui englobe photographie, collage et photomontage, intègre de manière transparente des images disparates pour créer un récit visuel cohérent. Il ne modifie pas l’image originale, préférant rechercher la synergie parfaite entre elles. Son travail s’étend ainsi sur des mois, voire des années. La photographie lui permet de capturer ses propres images sources, travaillant parfois avec des modèles pour illustrer ses idées, qu’il insère ensuite dans ses collages.
COUP DE PROJECTEUR SUR L’AFRIQUE
L’autre nouveauté de cette édition est la mise à l’honneur de la scène photographique africaine, de plus en plus prisée des institutions culturelles et muséales. Pour la première fois, Photo Basel introduit trois galeries dans la section « Spotlight Africa » : Doyle Wham à Londres, InsideOut à Bruxelles et The Bridge Gallery à Paris. Des photographies documentaires du quotidien aux oeuvres plus abstraites, les propositions offrent de nouvelles perspectives, reflétant la richesse et la diversité du continent africain et de la diaspora. Le travail de la Camerounaise Angèle Etoundi Essamba est axé sur la déconstruction des identités culturelles complexes des femmes africaines modernes. Les portraits numériques du Ghanéen Derrick Ofosu Boateng, pionnier de la photographie mobile, se caractérisent par des couleurs saturées et contrastées, des poses saisissantes et des objets placés de manière fantaisiste. Quant à l’artiste visuelle sud-africaine Lee-Ann Olwage, elle explore les thèmes liés au genre et à l’identité. Selon Julie Bonzon, historienne de l’art et commissaire d’exposition, « Les photographes actifs sur le continent aujourd’hui sont nombreux, dynamiques et souvent introspectifs. Ils répondent et s’alimentent de leurs répertoires visuels locaux, de leurs contextes socio-politiques et de leur patrimoine culturel. »
Sarfo Emmanuel Annor, Serenity, 2023 © Courtesy of The Bridge Gallery
KURT WYSS EN DIALOGUE AVEC JEAN DUBUFFET
Cette année, Photo Basel choisit de consacrer son exposition spéciale au reporter et photographe bâlois Kurt Wyss (1936-), dont l’amitié de longue date avec Jean Dubuffet (1901-1985) sert de point de départ. « Eyewitness Kurt Wyss in Dialogue with Jean Dubuffet » offre ainsi un aperçu de leur collaboration, mais aussi de leur amitié, amorcée en 1970 et poursuivie jusqu’à la mort du peintre et sculpteur français en 1985. Kurt Wyss est connu pour avoir documenté de grands événements artistiques, tels qu’Art Basel dès son inauguration, et publié de nombreux reportages sur l’art et les artistes, comme Picasso, Warhol, Tinguely, Doisneau ou encore Beuys et Tobey. Les portraits de ce témoin oculaire montrent ainsi le théoricien de l’Art brut dans le cadre intimiste de ses ateliers rue Vaugirard et rue Labrouste à Paris. Cette exposition vient en renfort de la rétrospective dans la capitale française de la Fondation Dubuffet, qui célèbre ses cinquante ans d’existence.
ZERO BASELINE OF PHOTOGRAPHY
L’artiste, photographe et réalisatrice américaine Patricia Von Ah s’est fait connaître par ses images de mode et ses portraits de Dennis Hopper, John Travolta et Yoko Ono. Mais elle est aussi et surtout fondatrice de Seethink Lab, consacré à la recherche sur l’impact des expériences visuelles. Sa série Zero Baseline of Photography revient sur les fondamentaux de l’histoire de la photographie. Ce projet de recherche interdisciplinaire et collaboratif célèbre le passé de la discipline et réenvisage son avenir, invitant à voir, à réfléchir et à apprécier son impact sur notre perception de la réalité. Il s’agit d’une collection de premières images qui font référence à un moment singulier de l’évolution de la photographie scientifique et artistique, afin de préserver et de donner des preuves sur leurs origines et leur développement au fil du temps. « Mon objectif est de fournir une ressource qui informe et invite à une appréciation plus profonde du pouvoir transformateur de la photographie », explique-t-elle au fondateur de Photo Basel. « En reliant le passé, le présent et le futur, j’aspire à favoriser un impact durable sur la façon dont la photographie est perçue et pratiquée pour les générations d’aujourd’hui et de demain. »
PHOTO BASEL 2024 VOLKSHAUS BASEL
REBGASSE 12-14, BÂLE (SUISSE)
DU 11 AU 16 JUIN 2024
PHOTO-BASEL.COM